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ACTE V, SCÈNE V.

Damon, et je vous donne avis qu’en même jour ils ont fait tous deux banqueroute. »

Ô ciel ! tout à la fois perdre ainsi tout mon bien !

Philaminte, à Chrysale.
Ah ! quel honteux transport ! Fi ! tout cela n’est rien :
Il n’est pour le vrai sage aucun revers funeste ;
Et, perdant toute chose, à soi-même il se reste.
Achevons notre affaire, et quittez votre ennui.
(Montrant Trissotin.)
Son bien nous peut suffire et pour nous et pour lui.

Trissotin.
Non, madame, cessez de presser cette affaire.
Je vois qu’à cet hymen tout le monde est contraire ;
Et mon dessein n’est point de contraindre les gens.

Philaminte.
Cette réflexion vous vient en peu de temps ;
Elle suit de bien près, monsieur, notre disgrace.

Trissotin.
De tant de résistance à la fin je me lasse.
J’aime mieux renoncer à tout cet embarras,
Et ne veux point d’un cœur qui ne se donne pas.

Philaminte.
Je vois, je vois de vous, non pas pour votre gloire,
Ce que jusques ici j’ai refusé de croire.

Trissotin.
Vous pouvez voir de moi tout ce que vous voudrez,
Et je regarde peu comment vous le prendrez :
Mais je ne suis point homme à souffrir l’infamie
Des refus offensants qu’il faut qu’ici j’essuie.
Je vaux bien que de moi l’on fasse plus de cas ;
Et je baise les mains à qui ne me veut pas.


Scène V.

Ariste, Chrysale, Philaminte, Bélise, Armande, Henriette, Clitandre, un notaire, Martine.

Philaminte.
Qu’il a bien découvert son âme mercenaire !
Et que peu philosophe est ce qu’il vient de faire !

Clitandre.
Je ne me vante point de l’être ; mais enfin