Page:Molière - Œuvres complètes, Garnier, 1904, tome 02.djvu/23

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Quel diable de plaisir trouvent tous les chasseurs
De se voir exposés à mille et mille peurs,
Encore si c’était qu’on ne fût qu’à la chasse
Des lièvres, des lapins, et des jeunes daims, passe ;
Ce sont des animaux d’un naturel fort doux,
Et qui prennent toujours la fuite devant nous :
Mais aller attaquer de ces bêtes vilaines
Qui n’ont aucun respect pour les faces humaines,
Et qui courent les gens qui les veulent courir,
C’est un sot passe-temps que je ne puis souffrir.

Euryale
Dis-nous donc ce que c’est ?

Moron, en se tournant.
Le pénible exercice
Où de notre Princesse a volé le caprice !…
J’en aurais bien juré qu’elle aurait fait le tour,
Et la course des chars se faisant en ce jour,
Il fallait affecter ce contre-temps de chasse
Pour mépriser ces jeux avec meilleure grâce,
Et faire voir… Mais chut, achevons mon récit,
Et reprenons le fil de ce que j’avais dit.
Qu’ai-je dit ?

Euryale
Tu parlais d’exercice pénible.

Moron
Ah ! oui. Succombant donc à ce travail horrible ;
Car en chasseur fameux j’étais enharnaché,
Et dès le point du jour je m’étais découché :
Je me suis écarté de tous en galant homme,
Et trouvant un lieu propre à dormir d’un bon somme,
J’essayais ma posture, et m’ajustant bientôt,
Prenais déjà mon ton pour ronfler comme il faut
Lorsqu’un murmure affreux m’a fait lever la vue,
Et j’ai d’un vieux buisson de la forêt touffue
Vu sortir un sanglier d’une énorme grandeur
Pour…

Euryale
Qu’est-ce ?

Moron
Ce n’est rien, n’ayez point de frayeur.
Mais laissez-moi passer entre vous deux pour cause,