Page:Molière - Œuvres complètes, Garnier, 1904, tome 02.djvu/47

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Non.

Moron
Voilà qui est fait, je te veux montrer que je me sais tuer quand je veux.

Tircis, chante.

Ah ! quelle douceur extrême,
De mourir pour ce qu’on aime. Bis.

Moron
C’est un plaisir que vous aurez quand vous voudrez.

Tircis, chante.

Courage, Moron ! meurs promptement
En généreux amant.

Moron
Je vous prie de vous mêler de vos affaires, et de me laisser tuer à ma fantaisie. Allons je vais faire honte à tous les amants ; tiens, je ne suis pas homme à faire tant de façons, vois ce poignard ; prends bien garde comme je vais me percer le cœur. (Se riant de Tircis.) Je suis votre serviteur, quelque niais.

Philis
Allons, Tircis. Viens-t’en me redire à l’écho, ce que tu m’as chanté.


ACTE IV

ARGUMENT

La Princesse espérant par une feinte pouvoir découvrir les sentiments du Prince d’Ithaque, elle lui fit confidence qu’elle aimait le Prince de Messène : au lieu d’en paraître affligé il lui rendit la pareille, et lui fit connaître que la Princesse sa parente lui avait donné dans la vue, et qu’il la demanderait en mariage au Roi son père. À cette atteinte imprévue cette princesse perdit toute sa constance ; et quoiqu’elle essayât à se contraindre devant lui, aussitôt qu’il fut sorti, elle demanda avec tant d’empressement à sa cousine de ne recevoir point les services de ce prince, et de ne l’épouser jamais, qu’elle ne put le lui refuser : elle s’en plaignit même à Moron, qui lui ayant dit assez franchement qu’elle l’aimait donc, en fut chassé de sa présence.


Scène première

Euryale, La Princesse, Moron.

La Princesse
Prince, comme jusques ici nous avons fait paraître une conformité de sentiments, et que le Ciel a semblé mettre en nous, mêmes attachements pour notre liberté, et même aversion pour l’amour ; je suis bien aise de vous ouvrir mon cœur, et de vous faire confidence d’un changement dont vous serez surpris. J’ai toujours regardé l’hymen comme une chose affreuse, et j’avais fait serment d’abandonner plutôt la vie, que de me résoudre jamais à perdre cette liberté pour qui j’avais des tendresses si grandes : mais, enfin, un moment a dissipé toutes ces résolutions, le mérite d’un prince m’a frappé aujourd’hui les yeux, et mon âme tout d’un coup (comme par un miracle) est devenue sensible aux traits de cette passion que j’avais toujours méprisée. J’ai trouvé d’