Page:Molière - Œuvres complètes, Garnier, 1904, tome 02.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La beauté dont l’hiver vous avait dépouillés
Par le printemps vous est rendue :
Vous reprenez tous vos appas ;
Mais mon âme ne reprend pas
La joie, hélas ! que j’ai perdue.

Moron
Morbleu que n’ai-je de la voix ? Ah ! nature marâtre ! pourquoi ne m’as-tu pas donné de quoi chanter comme à un autre ?

Philis
En vérité, Tircis, il ne se peut rien de plus agréable, et tu l’emportes sur tous les rivaux que tu as.

Moron
Mais pourquoi est-ce que je ne puis pas chanter ? N’ai-je pas un estomac, un gosier, et une langue comme un autre ? Oui, oui, allons, je veux chanter aussi, et te montrer que l’amour fait faire toutes choses. Voici une chanson que j’ai faite pour toi.

Philis
Oui, dis ? Je veux bien t’écouter pour la rareté du fait.

Moron
Courage, Moron ! il n’y a qu’à avoir de la hardiesse. (Moron chante.)

Ton extrême rigueur
S’acharne sur mon cœur,
Ah ! Philis je trépasse !
Daigne me secourir.
En seras-tu plus grasse
De m’avoir fait mourir ?

Vivat, Moron.

Philis
Voilà qui est le mieux du monde : mais, Moron, je souhaiterais bien d’avoir la gloire, que quelque amant fût mort pour moi ; c’est un avantage dont je n’ai point encore joui, et je trouve que j’aimerais de tout mon cœur une personne qui m’aimerait assez pour se donner la mort.

Moron
Tu aimerais une personne qui se tuerait pour toi ?

Philis
Oui.

Moron
Il ne faut que cela pour te plaire ?

'Philis