Page:Molière - Œuvres complètes, Garnier, 1904, tome 02.djvu/49

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au Prince
Remettez-vous, et songez à répondre.

La Princesse
D’où vient, Prince, que vous ne dites mot, et semblez interdit ?

Euryale
Je le suis, à la vérité, et j’admire, Madame, comme le Ciel a pu former deux âmes aussi semblables en tout que les nôtres : deux âmes en qui l’on ait vu une plus grande conformité de sentiments, qui aient fait éclater dans le même temps une résolution à braver les traits de l’amour, et qui dans le même moment aient fait paraître une égale facilité à perdre le nom d’insensibles : car enfin, Madame, puisque votre exemple m’autorise, je ne feindrai point de vous dire, que l’amour aujourd’hui s’est rendu maître de mon cœur, et qu’une des princesses, vos cousines, l’aimable et belle Aglante, a renversé d’un coup d’œil tous les projets de ma fierté. Je suis ravi, Madame, que, par cette égalité de défaite, nous n’ayons rien à nous reprocher l’un et l’autre ; et je ne doute point, que comme je vous loue infiniment de votre choix, vous n’approuviez aussi le mien. Il faut que ce miracle éclate aux yeux de tout le monde, et nous ne devons point différer à nous rendre tous deux contents. Pour moi, Madame, je vous sollicite de vos suffrages, pour obtenir celle que je souhaite, et vous trouverez bon que j’aille de ce pas en faire la demande au prince votre père.

Moron
Ah digne ! ah brave cœur !


Scène 2

La Princesse, Moron.

La Princesse
Ah ! Moron, je n’en puis plus, et ce coup que je n’attendais pas, triomphe absolument de toute ma fermeté.

Moron
Il est vrai que le coup est surprenant, et j’avais cru d’abord, que votre stratagème avait fait son effet.

La Princesse
Ah ! ce m’est un dépit à me désespérer, qu’une autre ait l’avantage de soumettre ce cœur que je voulais soumettre.


Scène 3

La Princesse, Aglante, Moron.

La Princesse
Princesse, j’ai à vous prier d’une chose qu’il faut absolument