Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 5.djvu/25

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ni vente, et souvent, on le comprend, par les plus mauvais moyens. Que de fois, pendant que le paysan laboure son champ, l’ennemi survient qui expulse femme et enfants ; puis, le malheureux n’a plus qu’à céder devant le fait accompli. Les grands propriétaires ne veulent plus des bras libres, et préfèrent aussi les esclaves : les esclaves ne sont pas sans cesse mis en réquisition pour le service militaire ! Le peu qui demeure des anciens prolétaires est bientot asservi et courbé sous le même niveau douloureux. Le blé produit a vil prix par la Sicile envahit le marche, refoule les blés d’Italie et les avilit à leur tour. En Étrurie, la vieille aristocratie indigène s’était promptement liguée avec les spéculateurs. Dès l’an 620, les choses en sont venues là qu’il n’existe plus dans tout le pays un seul citoyen libre. A Rome, on put dire tout haut, et en pleine place publique, que « les animaux ont un repaire, mais que, pour les citoyens, il ne leur reste rien que l’air et le soleil ! Ils s’appellent les maîtres du monde, et ils ne possèdent pas une motte de terre ! n Veut-on le commentaire éloquent de ces sinistres paroles ? Que l’on consulte les listes civiques ! De la fin des guerres d’Hannibal à l’an 595, le nombre des citoyens va croissant, chose qui s’explique facilement par les distributions faites tous les jours et sur une grande échelle des terres domaniales (IV, p. 454) :`après 595, ou le cens a donné trois cent vingt-huit mille citoyens valides, on entre dans une période constamment décroissante : les listes de l’an 600 tombent au chiffre de trois cent vingt-quatre mille ; celles de 607 tombent à trois cent vingt-deux mille; celles de 623 à trois cent dix-neuf mille : résultats déplorables pour une époque de profonde paix au dedans et au dehors. A suivre une telle pente, la population ne devait plus compter bientôt que des planteurs ou des esclaves. L’État romain devait-il donc finir comme l’empire parthe? Ne serait—il pas réduit bientôt à aller chercher ses soldats sur les marchés à esclaves ?