Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 6.djvu/142

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138 LIVRE V, CHAPITRE I ‘ qu’il y travaillat, lui valurent un parti considérable, dévoué à sa personne, et propre a l’accomplissement des plus grandes choses. Mais sous aucun rapport il ne sut jamais ni réunir ni conduire un parti; et si la réunion se fit un jour, il n’y fut pour rien, les circonstances seules y pesant de leur poids. En ceci, comme ailleurs, il me rappelle Marius, Marius, le rude paysan, passionné et sensuel, ' insupportable au même degré que cette raide et ennuyeuse contrefaçon du grand homme. Dans la politique, la situa- tion de Pompée était fausse à l’excès. Ofiicier de l’armée de Sylla, son devoir voulait qu’il luttat pour la constitution restaurée : il n’en arriva pas moins à faire à Sylla une opposition personnelle, à Sylla et à tout le régime séna- torial. Aux yeux de l'aristocratie, la famille des Pom péiens, inscrite il y a quelque soixante ans, pour la première fois, dans les fastes consulaires, n’est point encore pleinement acceptée : le père de Gnaeus, en face du Sénat, avait j oué un role odieux, équivoque (V, pp. 253, 3H) ; et Pompée, lui- mème, ne l’avons-nous pas vu un jour dans les rangs des Cinnaniens (V, p. 327)? On se taisait sur de tels souvenirs, mais ils ne s’et`façaient pas. La haute fortune conquise par Pompée sous Sylla, en même temps qu’elle le rattachait au-dehors a la faction aristocratique, lui suscitait au-dedans avec elle des antipathies non moins réelles. Il avait la tète faible; et porté vite et sans peine aux sommets de la gloire, il fut aussitot pris de vertige. Comme s’il eût voulu bafouer sa propre et prosaïque figure, il osa la·mettre en parallèle avec celle du plus nohle et du plus poétique des héros : on le vit se comparer avec Alexandre le Grand : à Pompée seul, à l’entendre, il eût été messéant de ne faire que compter parmi les cinq cents sénateurs de Rome. Et pour- tant nul plus que lui n’eût mieux convenu au role de simple membre de l’assemhlée dirigeante sous un pur régime d’aristocratie. Que s’il eût vécu deux cents ans plutot, la dignité de son extérieur, son formalisme solennel, ` sa hravoure individuelle, la probité de sa vie privée, tout