Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 6.djvu/141

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LEPIDUS ET SERTOBIUS 137 de Rome, qui agrandissaient leurs domaines à coups de ventes extorquées par la violence, ou à l’aide de pires crimes commis envers les petits possesseurs limitrophes : dans son intérieur, il se montra bon mari et bon pere : disons enfin à son honneur que quand il traîna dans ses triompbes des rois et des généraux captifs, il ne les fît ` point ensuite mettre à mort, suivant la barbare coutume de ses prédécesseurs *. Mais des que Sylla avait parlé, Sylla, son seigneur et son maître, aussitot il se séparait d’une épouse aimée, dont le crime était d’appartenir à une famille tombée en · disgràce : que Sylla clignàt de l’oeil, et le héros faisait de grand sang-froid massacrer sous ses yeux les hommes qui dans les temps difïiciles avaient marché à ses cotés (V, p. 342). Non qu’il fût cruel, comme on le lui reprocha, mais, ce qui est pis, il était froid, insensible, sans passion pour le bien ni pour le mal. Si dans la mêlée il regardait intrépidement l’ennemi en face, on le vit, dans la vie civile, pusillanime et rougissant pour un rien, ne parlant en public qu’avec embarras, anguleux surtout, empesé et gauche dans les relations du _ monde. Avec toutes ses hauteurs jalouses, ainsi qu’il en va souvent de ceux qui font parade de leur indépendance, il ne fut qu’un instrument docile dans la main de quiconque savait le prendre; il fut mené par ses affranchis et ses clients, alors qu’il ne craignait point d’avoir a leur obéir. Bref, il n’était point fait pour un role d’homme d’État. ‘ Incertitude du but, indécision dans le choix de ses moyens, · étroitesse des vues dans les petites ou les grandes circons- tances, que de causes de faiblesse! Il restait là, perplexe, ·_ déguisantson irrésolution et son trouble sous lemanteau solennel du silence, et quand il voulait jouer au fin, il se dupait lui·mème en croyant tromper les autres. Sa situa- _ tion militaire, ses relations dans la province, presque sans v‘ [Et comme tirent César pour Vercingétorix (infrà, ch. —Vll), et d'autrcs encore après César.] '