Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 6.djvu/235

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LA RESTAURATION APRÈS SYLLA 231 exemple, ou l'on ne vit aucun des principaux du Sénat engager plus particulierement sa culpabilité propre, et où Lucullus méme, en ce qui touche les jfaits militaires, fit preuve de talent, et acquit de la gloire, ilapparut en plein _ jour combien l’insuccès avait tenu au systeme même du ` pouvoir, à l'abandon récent et par trop insouciant de la Cappadoce ou de la Syrie, à la situation mauvaise faite à un général habile, en face d’un conseil de gouvernement · demeurant incapable de toute décision énergique. Dans la question de la police des mers, le Sénat avait eu la bonne pensée de donner aux pirates la chasse partout a la fois : mais cette pensée, mal exécutée, fut désertée bientot, et · l’on en revint à la vieille et absurde tactique, d’envoyer les légions contre « la cavalerie de mer! » Ainsi furent entreprises les expéditions de Servilius et de Marcius en Cilicie, de Métellus en Crète : ainsi Triarius imagina d’envelopper Délos dans une muraille, pour la défendre des corsaires. Vouloir dominer la mer par de tels moyens, c’est agir comme le Grand-Boi des Perses, qui la fouettait, croyant ainsi l'assujettir. Le peuple romain avait donc jus- qu’a un certain point raison quand il imputait au gouver- nement la banqueroute politique de l’heure actuelle. Tou- jours avec le rétablissement de l'oligarchie, la mauvaise administration était rentrée dans Home, apres la chute des Gracques, après celle de Marius et celle de Saturninus. Et pourtant jamais l’oligarchie ne s'était montrée à la fois plus puissante et plus infirme, en même temps-que cor- ruptrice et corrompue. Le pouvoir cesse d’étre légitime quand il ne sait plus gouverner; et qui a la force de le renverser, en a aussi le droit. Un pouvoir incapable et cri- · minel peut, cela est vrai malheureusement, fouler long- temps aux pieds l'honneur et la fortune du pays, avant que se rencontrent les hommes qui, s’emparant des armes terribles forgées par lui-méme, les tournent aussi contre lui; avant que les bons se soulèvent, et que la détresse des masses évoque enfin la révolution, cette fois juste!