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iii
Préface.

« On croit trop généralement que le génie dramatique, après sept ou huit cents ans de sommeil, s’est réveillé au xiie ou xive siècle, un certain jour, ici plus tôt, là plus tard. Chaque historien s’épuise en efforts pour fixer l’heure où cette révolution dans les facultés humaines s’est opérée. Ce n’est pas une semblable entreprise que je vais renouveler. N’attendez pas de moi un plaidoyer en faveur de telle ou de telle date plus ou moins douteuse. Je ne crois ni au réveil ni au sommeil des facultés humaines ; je crois à leur continuité, surtout à leur perfectibilité et à leurs progrès... (4) »

Oui, le génie dramatique a toujours existé en France ; seulement son langage, son allure, ses interprètes,étaient bien différents de ce qu’ils sont aujourd’hui. Les prêtres chrétiens, désespérant d’extirper du cœur des grands et du peuple la passion des fêtes et des représentations scéniques, songèrent de bonne heure à s’emparer de l’instinct dramatique, à le diriger vers les choses saintes et à le faire servir à augmenter l’attrait des cérémonies de l’église. En cela ils imitaient, sans s’en douter, les prêtres du paganisme, qui, dans les mêmes vues, avaient donné à l’art dramatique de l’antiquité ses premiers développements.

M. Magnin compte trois phases diverses de progrès ou de décadence que le drame hiératique a successivement parcourues : 1° l’époque de la coexistence du polythéisme et du christianisme ; 2° l’époque de l’unité catholique et du plus grand pouvoir sacerdotal ; 3° l’époque de la participation des laïques aux arts exercés jusque-là par le clergé seul.

La première de ces périodes s’étend du ier au vie siècle, et M. Magnin la nomme époque romaine ; comme il ne nous reste aucun monument dramatique de cette époque où la langue romane (s’il y en avait une) ait été employée en tout ou en partie, nous n’en parlerons pas.

La seconde période s’entend du vie au xiie siècle, et coïncide avec le plus complet développement du génie sacerdotal. M. Magnin la nomme hiératique. C’est à cette époque qu’il faut rapporter le Mystère des Vierges sages et des Vierges folles, par lequel s’ouvre notre recueil.

« La troisième période, dit le même savant, ou l’époque des confréries, nous montre l’art dramatique échappant en partie, comme les autres arts, des mains affaiblies du sacerdoce pour passer, au xiie siècle, dans celles des communautés laïques, pleines de cette ferveur pieuse et de cet enthousiasme de liberté, qui amenèrent trois siècles après l’entier affranchissement de la pensée et la complète sécularisation des arts... (5) » Il nous est resté de cette