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SA VIE, SON ŒUVRE

apothéose facile à laquelle ne le prédisposait que trop déjà sa renommée naissante de gastronome autant que sa physionomie de Silène réjoui.

M. de Cupidon faillit perdre toutefois un peu de son prestige à laisser ainsi tremper le bout de ses ailes dans un demi-setier.


Dans le Petit Journal du 4 mars 1872, Charles Monselet a fixé la physionomie de Dinochau :

« C’est à Venise, dans les premiers jours du mois de décembre dernier — écrit-il — que j’appris par un journal la mort de Dinochau.

» Dinochau — au nom prédestiné — était ce marchand de vin traiteur, connu de la moitié de Paris, et dont la boutique s’ouvrait sur le mont Bréda, à l’angle de la rue de Navarin.

» Une joyeuse boutique, achalandée principalement par les gens de lettres et les artistes du quartier, — et même de tous les quartiers, — qui venaient s’asseoir à sa table d’hôte.

» Qui est-ce qui n’a pas passé plus ou moins par la table d’hote de Dinochau ? J’y ai vu Pierre Dupont et Émile de La Bédollière, Jules Noriac et Champfleury, Villemessant et Gustave Bourdin, Arsène Houssaye et Courbet, Edmond About et Charles Hugo, les frères de Goncourt et les frères Lionnet, cent autres, plus encore.

» La fondation en remontait à Nadar et à Mürger.

» Dinochau était un excellent homme, aux yeux à fleur de tête, actif, d’une brusquerie cordiale, attrapant l’esprit à la volée. Il avait reçu un commencement d’instruction au prytanée de Ménars, ce qui lui permettait de se mêler à la conversation de ses clients, — permission dont il usait largement.

» Mais son goût dominant, sa prétention la plus haute, c’était le violon. — Il avait acheté je ne sais où un Guarnerius dont