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SA VIE, SON ŒUVRE

littéraires de Monselet ; lui-même s’irritait, se désolait de ce que le labeur incessant, accaparant du journalisme, l’eût empêché de faire ee que le bourgeois appelle « une œuvre ». Eh bien, non ! je crois que, à l’encontre de bien des livres pédants, lourds, indigestes, entraînés par leur propre poids au gouffre de l’oubli, les anecdotes, les poésies de Monselet, lestes, alertes, pétillantes comme le Champagne, qu’il aimait tant, lui survivront... telles ont survécu les envolées de François Villon et les saillies de Rabelais.

Un jour, notre ami disait, à propos d’un oublié qui venait de s’éteindre : « Pour nous autres gens de lettres, la mort est une dernière farce que nous faisons à nos contemporains. En mourant, nous leur crions : — « Coucou ! le revoilà ! » Il n’en a pas été, il n’en sera point ainsi de lui. La mort, qui le terrasse en pleine renommée, en plein talent, a touché le public entier comme un deuil de famille.

Dors en paix, maitre, tu ne seras jamais un oublié, à peine seras-tu un disparu, et quand, dans de lointaines années, ton fils, entrant dans un milieu où il sera inconnu, prononcera son nom, toutes les lèvres lui souriront, toutes les mains se tendront vers lui, car ce seul mot : « Monselet » évoquera devant tous un gai moment passé à lire quelqu’un de tes joyeux sonnets ; il leur rappellera une minute arrachée par ton esprit aux ennuis, aux chagrins de l’existence.

Au nom des journalistes bordelais, dont je suis le représentant, adieu, Monselet ! ils furent les premiers à t’accueillir dans leurs rangs, ils veulent être les derniers à te dire une suprême parole de regret...

Adieu, Monselet, maître du rire, qui, pour la première fois, nous fais verser des larmes