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CHAPITRE II

Philippe Beyle à son ami Léopold


« Vivat ! mon cher ami, vivat ! me voilà encore revenu sur l’eau, comme on dit dans le langage intime. Je viens de gagner quatre-vingt mille francs aux jeux de Bade ; quatre-vingt mille francs, entends-tu ? pas un liard de moins. Et je date ma lettre de Paris. Paris et quatre-vingt mille francs, que c’est beau !

« Je les tiens là, sous les doigts, en billets de banque hideux, crasseux, déchirés et recollés. Rien que par l’empreinte désespérée des doigts qui ont passé sur ces chiffons, je lis des drames de toutes sortes. Il y a de ces billets froissés, ternis, tachés de larmes, qui attestent de touchantes luttes entre la ruine et la probité ; il y en a qui ont fait le tour du monde cousus dans des vêtements, et l’on s’en aperçoit aux mille plis dont il a été accablés. D’autres, piqués comme une dentelle par l’épingle des banquiers, gardent cette roideur et cette morgue commerciales qui les ont préservés du contact des