Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/160

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— Philippe Beyle !

Le comte d’Ingrande se leva.

— Toujours ce nom ! murmura-t-il.

Il fit trois ou quatre tours dans la chambre, silencieusement, le front baissé. À la fin, il retourna vers le tiroir qui était resté ouvert, et y saisit deux billets de banque de mille francs chacun.

— Tiens ! dit-il en les jetant à Fanny.

Et tendant la main à son tour :

— La lettre ? s’écria-t-il impérieusement.

La voici, monsieur le comte, dit Fanny, tirant un papier de son sein. Il le arracha plutôt qu’il ne le prit ; il se disposait à le déplier, lorsque son regard tombant sur la petite bonne, qui se dissimulait le mieux qu’elle pouvait dans un coin de la chambre, il laissa échapper un geste de dégoût.

— Partez ! s’écria-t-il en lui désignant la porte.

Fanny ne se le fit pas répéter. Une fois seul, M. d’Ingrande ouvrit rapidement la lettre qui lui coûtait deux mille francs. Elle ne contenait que ces seuls mots :


« Ordre à Michelle-Anne Laclaverie, dite Pandore, de ruiner M. Philippe Beyle dans un délai de trois mois, à partir de ce jour.

Paris, le 25 juillet. »


À la place de la signature, il y avait, empreinte en rouge, la même devise que nous avons vue reproduite en cire sur l’enveloppe :


« Toute pour une, une pour toutes. »


Le comte relut cinq ou six fois cet étrange message, en donnant chaque fois les signes du plus profond étonnement.

— Fanny avait raison, pensa-t-il à la fin ; deux mille francs, ce n’est pas trop payé !

Quelques heures après, fidèle à sa parole, le comte d’Ingrande était sur la route d’Espagne.