Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/186

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pâleur et quelques traces de fatigue. Deux années avaient même ajouté à l’éclat et à l’intelligence de son visage. Lorsqu’elle fut revenue à elle, des pleurs coulèrent sur ses joues ; elle regarda la pauvre chambre où elle se trouvait. Philippe comprit sa pensée, car il lui dit, d’un ton demi-enjoué :

— Ah ! ce n’est pas joli ici… les quatre murs et des meubles qui datent de la Fédération du Champ-de-Mars. C’est égal, je suis certain que Béranger estimerait que cela est pour le mieux… dans la meilleure des chansons possibles.

Il s’assit sur son lit et continua :

— Cela me rappelle l’époque où je faisais mon droit. Tout le monde dit que c’est là le bon temps… Eh bien, je recommence mon bon temps. Pour ressembler tout à fait à un étudiant, il me manque qu’un trophée de pipes au-dessus de la cheminée et un squelette au fond de mon armoire. Vous sente-vous un peu mieux, Marianna ?

— Oui, je vous remercie.

— Franchement, je ne m’attendais guère à vous revoir, surtout dans les circonstances actuelles. Mais quel que soit le motif qui vous amène chez moi, soyez la bienvenue. Si j’avais été averti plus tôt, j’aurais tâché de mieux déguiser l’insuffisance de ce local.

— Ainsi, vous vivez là-dedans ? murmura-t-elle avec lenteur.

— Oui.

— Je vous plains, Philippe.

— À la bonne heure ! Des trois ou quatre personnes qui sont entrées ici (et bien malgré moi, je vous prie de le croire), vous êtes la seule qui ne m’ayez pas dit : « Bah ! c’est tout ce qu’il vous faut ; un garçon !… » Vous êtes de mon avis ; n’est-ce pas que c’est hideux ?

— Il y a trois mois que vous demeurez là ! dit-elle sans l’entendre.

— Tiens, vous le savez ? Mon Dieu, oui, trois mois. Une débâcle, cela peut arriver à tout le monde, cela m’est arrivé. J’ai tout perdu, j’ai tout vendu peu à peu, les tableaux, mes fauteuils, mes bronzes.