Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/185

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concierge. Ce fut la bouche pleine et une aile de dinde à la main que ce subalterne sortit de sa loge pour lui parler. Ce tableau accrut encore la mauvaise humeur de Philippe.

— Que voulez-vous ? demanda-t-il d’un ton bourru.

— Monsieur, lui dit le portier, c’est pour vous prévenir qu’il y a une dame chez vous.

— Comment ! une dame ?

— Je sais ce que vous allez me dire : vous m’aviez recommandé de ne confier votre clef à qui que ce soit…

— Eh bien, alors…

— Ce n’est pas moi, c’est mon épouse qui l’a donnée pendant mon absence. Je lui en ai fait de vifs reproches, comme vous pensez ; mais il paraît que cette dame a des choses très importantes à vous communiquer ; elle voulait vous attendre dans la loge. Cela nous aurait un peu gênés ; car, vous voyez, nous avons quelques amis à dîner aujourd’hui, de bonnes gens, sans façon, tout ronds. Il faut bien se distraire de temps en temps, n’est-ce pas, monsieur Philippe ? Sans cela, la vie…

— Et cette dame, y a-t-il longtemps qu’elle est chez moi ?

— Un petit quart d’heure… Sans cela la vie serait quelque chose de bien…

Philippe Beyle n’en écouta pas davantage. Il laissa le concierge poursuivre ses considérations philosophiques, la cuisse de dinde à la main, et il monta vivement à son cinquième étage, assez préoccupé par l’annonce de cette visite féminine.

La clef était sur la porte ; il crut avoir le droit d’entrer sans frapper. Auprès d’une bougie, qui lui avait été prêtée par le concierge, une femme vêtue de noir était assise, le front caché entre ses mains. Elle se leva en entendant et en apercevant Philippe ; mais aussitôt elle retomba, défaillante, sur sa chaise.

— Marianna ! s’écria-t-il en s’élançant vers elle.

Marianna, car c’était elle en effet, n’avait pu résister à son émotion ; elle s’était évanouie. Après lui avoir prodigué les premiers secours, Philippe la regarda attentivement. Elle était toujours belle, malgré sa