Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/205

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— Voilà bien longtemps que je ne l’ai vu ; dites-lui que c’est mal de ne pas chercher à se rapprocher plus souvent de sa fille.

— Je crois pouvoir vous affirmer qu’il ne pense qu’au moyen de se procurer bientôt ce bonheur.

— Puissiez-vous dire vrai, monsieur ! s’écria Amélie en attachant ses beaux yeux sur Philippe avec une expression ineffable.

Un bruit qui se fit entendre hâta sa retraite. Elle disparut par une porte opposée à celle qui servait d’entrée. Philippe Beyle était encore sous le charme de cette apparition, lorsque, en se retournant, il se vit face à face avec la comtesse d’Ingrande, majestueuse de froideur. Cette femme rappelait par sa roideur étoffée les madones qui décorent les églises russes.

Il s’acquitta de sa mission avec le moins d’embarras qu’il lui fuit possible. S’il n’essaya pas de justifier la prodigalité du comte, du moins il la présenta comme une élégante tradition de famille. La comtesse l’écouta avec impassibilité.

— J’examinerai les chiffres que vous m’apportez, monsieur, répondit-elle, et j’en conférerai avec mon conseil ordinaire. Mais, dès à présent, je regarderais comme un cas de conscience de laisser à monsieur le comte un espoir relatif au succès de sa demande. J’ai éprouvé depuis deux ans des pertes considérables sur mes biens ; et l’avenir de ma fille, dont la responsabilité pèse seule sur moi, m’impose des devoirs qui seront compris par monsieur le comte.

Philippe n’avait plus autre chose à faire qu’à s’incliner et à effectuer sa retraite. Un geste de la comtesse le retint.

— Encore un mot, dit-elle. Bien que mes rapports avec mon mari n’aient plus la continuité s’autrefois, ses amis, ceux surtout qui, comme vous, monsieur, ont mérité de pénétrer si avant dans son intimité, ne doivent pas me rester inconnus. C’est un sentiment dont la convenance ne vous échappera pas. En vous présentant chez moi, votre intention n’a pas été sans doute de garder l’anonymat, monsieur… monsieur… ?

— Philippe Beyle, dit-il.