Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/237

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mesure qu’Irénée ressaisissait la vie, l’image du bonheur ne se présentait à lui que sous les proportions les plus modestes : une promenade à pas lents au bord du bassin, un coucher de soleil, les jeux des enfants.

Peut-être voyait-il vrai alors ; peut-être le bonheur n’est-il composé que de ces nuances imperceptibles et délicates. Du moins, est-ce là ce qu’affirment les voyageurs, les convalescents et les vieillards, c’est-à-dire tous ceux qui reviennent de loin : de la mer, de la mort ou de la vie.

La mission de Marianna se termina dès qu’Irénée fut en état de quitter les Landes. Elle revint à Paris, ne rêvant qu’aux moyens de se venger de l’odieuse trahison de Philippe Beyle. Nous l’avons vue élever et cimenter patiemment l’édifice de sa haine.

Toutefois, Marianna, dont la pitié avait été violemment excitée d’une autre part, ne quitta pas Irénée de Trémeleu sans lui promettre de lui écrire et sans lui faire promettre de son côté de lui adresser souvent de ses nouvelles. Cette double promesse fut tenue.

La convalescence d’Irénée se prolongea ; il changea maintes fois de climats, et il demanda successivement à diverses contrées, renommées par leur ciel ou par leurs eaux, un rétablissement, qui ne devait jamais être complet. Après deux ans de pérégrinations médicales, lorsqu’il alla voir Marianna, il la trouva plus sombre et plus inquiète qu’autrefois. C’était l’époque où, par ses manœuvres souterraines, elle avait réussi à acculer Philippe Beyle dans une impasse d’où il semblait ne pouvoir plus sortir.

Pendant son séjour à Paris, Irénée fit de rares visites à Marianna ; un sentiment de convenance et de discrétion lui interdisait de s’immiscer dans des douleurs qu’il devinait peut-être, mais qu’elle ne paraissait pas disposée à lui confier. Il essaya de se reprendre à l’existence parisienne, il ne le put pas. En outre, l’atmosphère était défavorable à sa santé. Irénée se décida à repartir.

La veille de son départ, il se rendit chez Marianna. C’était, avons-nous dit, le jour où, après s’être dévoilée à Philippe Beyle comme l’auteur de sa chute, elle avait reçu de lui l’affront