Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/238

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le plus sanglant que tout être, homme ou femme, puisse recevoir : un coup de cravache à travers la figure.

Aussi était-ce dans un état voisin de la folie qu’elle était revenue chez elle. Irénée comprit que quelque chose de terrible avait dû se passer. Il vit Marianna se jeter dans un fauteuil et garder son voile.

— Marianna ! lui dit-il au bout de quelques minutes, effrayé de son mutisme.

Marianna le regarda sans répondre.

— Qu’avez-vous, au nom du ciel ?

— Ah ! c’est vous, Irénée… murmura-t-elle ; vous avez bien fait de venir ; vous êtes bon, vous !

Elle mit une expression profonde dans ces derniers mots. Irénée la regarda pendant quelque temps, comme on regarde, avant de s’en séparer pour jamais, les personnes aimées. Il lui dit ensuite :

— Je suis venu vous faire mes adieux.

— Vos adieux ? répéta-t-elle.

— Oui, Marianna, Paris m’est impossible désormais ; je vais chercher sous de plus tièdes latitudes un repos que, de jour en jour, il me devient plus difficile de me procurer.

— Vous quittez Paris ? Ah ! vous êtes heureux, vous !

— Heureux ? dit-il.

— Qui plus que vous cependant, Irénée, a mérité de l’être ? Le ciel n’est pas juste.

— Ne vous exagérez pas mes modestes vertus, Marianna ; je ne suis qu’un homme, moins que cela, j’ai le droit de dire un vieillard, puisque les médecins ont assigné à ma vie un terme prochain. Tout aussi égoïste et spéculateur que vous me supposez généreux et désintéressé, je me suis demandé comment il me serait possible de charmer le peu de jours que Dieu m’a mesurés, et je me suis tracé un programme pour cette fête dernière.

— Un programme ?

— Oh ! n’allez pas croire qu’il me prenne fantaisie d’agoniser dans un salon, au milieu d’une foule hypocrite d’amis et de parents ; non, je veux la solitude fleurie, telle que le ciel du