Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/241

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Mais le courage lui manqua souvent. Elle avait trop présumé de ses forces ; ses forces la trahirent. Elle s’arrêta avec désespoir au milieu de sa tâche ; et un jour arriva où elle calcula secrètement le temps qui la séparait de sa délivrance. Ce jour fut précisément celui où Irénée, le sourire aux lèvres et la joie dans le cœur, provoqua l’entretien suivant.

Ils se promenaient tous les deux dans le jardin qui bordait leur gracieuse maison. De là, ils apercevaient la mer semée de points blancs, qui étaient des voiles, et de points noirs, qui étaient des îles. Ils regardaient et se taisaient, car l’infini appelle le silence. Tout à coup Irénée se prit à dire, comme un homme qui a longuement préparé son exorde :

— Mon amie, croyez-vous que le docteur soit un homme sérieux ?

— Tellement sérieux, que je ne puis le voir sans une sorte d’effroi, répondit Marianna.

— Alors, vous ne le supposez pas capable de mentir pour faire naître de douces illusions dans l’esprit d’un malade.

— Non, certes. Il m’a toujours, au contraire, semblé cruel par égard pour la vérité. Dix fois, en ma présence, il vous a exprimé ouvertement les inquiétudes que lui inspire votre situation. Mais pourquoi me faites-vous cette question, Irénée ?

Irénée la regardait en souriant.

— Parce que le docteur vient de me donner une espérance, dit-il.

— Une espérance ? murmura Marianna.

— Selon lui, je puis guérir, je puis vivre !

— Serait-il vrai ?

— Oui, Marianna, je puis vivre… Et savez-vous à qui je devrai ce miracle, s’il se réalise ?

— À l’air délicieux de ce pays, balbutia-t-elle.

— Non.

— À votre médecin.

— Il s’en attribuera certainement l’honneur, et nous le lui laisserons.

— Irénée, vous êtes un ingrat envers lui.