Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/242

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— Non ; car je peux vous l’apprendre aujourd’hui : je n’ai jamais suivi ses ordonnances ; je n’ai jamais bu de toutes ses potions que celles que vous me versiez de votre main.

— Quelle imprudence !

— Vous voyez bien que ce n’est pas lui qui a opéré ma guérison.

— C’est la nature.

— C’est vous, Marianna !

Marianna fit un geste.

— C’est vous, continua Irénée, c’est votre présence, c’est votre amitié.

Marianna était devenue pensive. Il lui prit la main.

— Vous ne m’entendez donc pas ? lui dit-il.

— Si Irénée, si.

— Je puis vivre ! vivre ! la vie avec vous ! ici ! Oh ! c’est plus de bonheur que je ne pouvais en rêver.

Marianna garda le silence. Dès qu’elle fut seule, voici les réflexions qui se pressèrent dans son esprit.

— Irénée peut vivre, le médecin l’a dit ; ce médecin ne se trompe pas. Irénée peut vivre, et c’est moi qui ai opéré ce prodige. Avec un semblant d’amour je croyais éclairer une agonie, tandis que je rallumais une aurore. Quelle fatalité est donc sur moi, et d’où vient que mes intentions sont toujours et soudainement détournées ? Il vivra ; mais moi, puis-je continuer à vivre avec lui ? N’ai-je pas été jusqu’au bout dans ma supercherie ? Je n’ai ni la volonté ni le courage de le tromper plus longtemps. Je le quitterai.

Son parti fut pris immédiatement.

— Je le quitterai. Ah ! maudite soit ma destinée ! Souffrir ou faire souffrir ! depuis mon enfance je ne sors pas de là. Irénée expiera amèrement le moment de joie qu’il a goûté aujourd’hui. Pourquoi s’est-il trouvé sur mon chemin ? J’ai rendu la vie à cet homme… c’était le plus grand malheur qui pût lui arriver !

Son front se pencha sur sa poitrine.

— Pauvre Irénée ! murmura-t-elle.

Et deux larmes vinrent mouiller ses yeux.