Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/261

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roi d’Angleterre, tombait aux pieds de Mlle de Montpensier et recevait d’elle cet ordre à la romaine :

— Allez vous faire casser la tête ou remettre la couronne dessus !

Quoi donc d’étonnant à ce que les femmes aient pris au sérieux leur rôle de déesses et de souveraines, qu’elles aient tenté de faire une application positive de ce pouvoir qu’on leur accordait si libéralement au figuré ? Puisque les hommes étaient, même les plus braves, à genoux autour d’elles, elles devaient être nécessairement supérieures et maîtresses. Mme de Longueville assistait, cachée derrière une fenêtre, au combat de Guise et de Coligny, et voyait froidement désarmer et blesser à mort le champion de sa vertu et de sa beauté. Quelques-unes, comme Mlle de Vertus et Mlle Paulet, préféraient fièrement la liberté à l’engagement du mariage. Mademoiselle elle-même, la petite-fille d’Henri IV, la nièce de Louis XIII, allait plus loin encore : elle érigeait le célibat en principe, et jetait fort sérieusement le plan d’une société sans amour et sans mariage, sorte d’abbayes de Thélèmes retournée, où les soupirants auraient soupiré sans espoir. Sa confidente, Mme de Motteville, qui a joué un peu dans cette circonstance le rôle d’un faux frère, nous a laissé sur ce plan quelques indications qui témoignent d’une résolution bien arrêtée.

La colonie, composée toutefois d’hommes et de femmes, devait s’établir dans quelque endroit charmant des rives de la Loire ou des rives de la Seine. Un couvent serait fondé dans le voisinage pour y exercer la charité et maintenir le niveau des esprits à la hauteur de l’ascétisme religieux. La galanterie, même la plus délicate, était bannie des relations avec les hommes ; la seule jouissance qui leur fût permise était le plaisir de la conversation.

« Ce qui a donné la supériorité aux hommes, disait Mademoiselle, a été le mariage ; et ce qui nous a fait nommer le sexe fragile a été cette dépendance où ils nous ont assujetties, souvent contre notre volonté et par des raisons de famille dont nous avons été les victimes. Tirons-nous de l’esclavage ; qu’il y ait un coin du monde où l’on puisse dire que les femmes sont maîtresses d’elles-mêmes, et qu’elles n’ont pas tous les défauts