Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/262

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qu’on leur attribue ; distinguons-nous dans les siècles à venir par une vie qui nous fasse vivre éternellement ! »

Quelle fut la rive, quel fut le site enchanteur choisi par Mademoiselle. N’est-il pas probable que la petite colonie hésita devant le scandale ou le ridicule d’une réalisation publique, peut-être devant l’appréhension de la colère de la reine, et se contenta d’une existence ignorée sous les ombrages de Saint-Germain ? Quant à la constitution de cette société, on ne saurait la mettre en doute, quand on voit Mademoiselle aller au secours d’Orléans avec un état-major tout composé de femmes de sa cour.

La deuxième Fronde marque visiblement l’existence politique de cette confrérie ; les lettres et les mémoires du temps ne laissent là-dessus aucun doute. Mademoiselle négociait par ambassadeur avec les puissances de son sexe. Elle congédiait les faibles comme Mme de Chevreuse et Mme de Châtillon ; elle rompait diplomatiquement par l’intermédiaire de Mme de Choisy, son ministre, avec la Palatine, son alliée de la veille. Il y a dans ses fameux mémoires tout un passage qui respire l’enivrement du triomphe et de la liberté. Comme on devine l’exaltation qui la possédait lorsqu’elle faisait acte de maître, acte d’homme et de guerrier, en forçant les portes de la ville d’Orléans ! lorsqu’elle traitait sur le pied d’égalité avec Beaufort ; et sa joie enfantine en tirant à la porte Saint-Antoine ce célèbre coup de canon, ce coup de canon que Louis XIV ne devait jamais lui pardonner, car il sentait que ce jour-là ce n’était pas seulement son autorité qu’avait tenté d’usurper cette fille des Orléans, de cette branche cadette toujours inquiétante pour son aînée, mais le privilège même de sa naissance et de son sexe. N’avait-elle pas rêvé, en effet, d’être roi de France ? La Fronde triomphant, elle montait sur le trône en y gardant son vœu de célibat et amenait avec elle son personnel de ministres-femmes, de conseillères et d’ambassadrices.

Quel avenir pour la Franc-maçonnerie des femmes !

La défaite définitive des Frondeurs, en ruinant cet affreux projet, rejeta le plan de Mademoiselle dans les ténèbres d’une société secrète. Là encore le rôle était beau : quelques personnes