Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/277

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les plus précieuses qualités de l’âme et de l’esprit. On se retrouve candide en face de la candeur ; les railleries anciennes ne nous poursuivent plus ; elles se sont enfouies et peu à peu effacées dans le lointain d’un célibat mauvais. On ne se préoccupe plus de passer au contrôle de l’opinion les élans de son intelligence. Une vie puissante, qu’exalte la passion sanctifiée, a remplacé une vie mesquine, faite de concessions, d’inquiétudes, d’indignation, de fatigue, ou, ce qui est pire est, d’indifférence.

Un charme infini réside surtout dans les premiers discours d’un mari à sa femme, dans le tableau qu’il lui trace complaisamment des fêtes de l’avenir. S’assimiler une âme jeune et neuve, lui ouvrir les portes du monde réel, tout en ayant soin de ménager ses illusions, n’est-ce pas refaire à son propre usage un cours de morale poétique et reprendre la vie par ses bons côtés ?

Plus que toute autre, la lune de miel de Philippe Beyle et d’Amélie semblait devoir n’éclairer que des jours heureux. Amélie possédait une faculté qui dominait toutes les autres : elle adorait et elle admirait son mari. Sa confiance en lui était illimitée. Il était le premier qui eût fait battre son cœur, et les jeunes filles n’ont jamais assez d’auréoles pour orner le front de ce premier élu. Philippe, de son côté, veillait sur son bonheur en homme qui sait ce que le bonheur coûte ; il avait de ces précautions, de ces attentions qui attestent la science profonde de l’amour et de la connaissance de toutes ses fragilités. C’était un artiste dans le sens conjugal, mais un artiste enthousiaste et sincère, car il aimait, enfin ! il aimait comme il n’avait jamais aimé, pour la dernière fois et jusqu’à la mort.

Sans pénétrer aussi loin que nous dans ses sollicitudes, Amélie les savourait délicieusement ; elle se sentait à l’abri sous cette protection savante et ardente. Chaque fois que Philippe était obligé de la quitter, il avait l’art de lui laisser dans l’esprit, après quelque entretien, un thème, une réflexion destinés à occuper et à adoucir pour elle les moments de l’absence.

On ne sera donc pas étonné du dédain qui la saisit lorsque, le surlendemain de ses noces, elle reçut, par une voie anonyme, un petit paquet contenant cinq lettres un peu chiffonnées, un peu