Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/278

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jaunies, et signées toutes du nom de Philippe. C’étaient de tendres ou railleuses épîtres, adressées autrefois par lui à diverses femmes.

Amélie les foula d’abord à ses pieds, car, dans ces impures évocations du passé, elle ne vit qu’un outrage fait à sa dignité d’épouse. Mais après ce premier mouvement d’orgueil, un sentiment aussi impérieux quoique moins élevé la ploya jusqu’aux plus vulgaires curiosités de la femme. Elle s’agenouilla et ramassa une à une ces feuilles qui respiraient comme un parfum d’adultère anticipé.

C’était bien l’écriture de Philippe. La date remontait à plusieurs années, et il était évident qu’un choix significatif avait présidé à leur réunion, car chacune d’elles était adressée à une personne différente : femme du monde ; actrice, marchande ou célébrité à la façon de Marie Duplessis.

La première qu’elle parcourut était écrite dans ce goût de persiflage particulier à Philippe Beyle, et qu’Amélie ne lui connaissait pas encore :

« Chère et mélancolique amie, il faut absolument que vous preniez votre parti de mon abandon. Vous vous attachez à moi comme une épitaphe à un tombeau. Cependant je vous l’ai dit mille fois : gardez-vous de me considérer comme un amant sérieux. Je sais jouer l’amour comme vous savez jouer l’opéra. Or, il est rare qu’un opéra dépasse cinq actes et deux ou trois tableaux ; notre amour a dépassé un an. Il y a longtemps que la rampe devrait être baissée. Adieu, dolente et belle. J’espère qu’un jour ou l’autre une riche héritière m’offrira un engagement, aussi brillant que celui que vous offre par mon entremise, le correspondant du théâtre de Rio-Janeiro. Tout est musique dans la vie : note de poitrine, note de cœur et note diplomatique. »

Un tel langage et surtout une telle profession de foi étaient bien faits pour confondre l’innocente Amélie. C’était une initiation