Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/298

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à contenir la famille royale tout entière, les courtisans et les domestiques. Cette voiture se brisa, après une course de quelques relais. Celle de M. Blanchard avait été construite sur ses propres indications et presque sous ses yeux.

M. Blanchard avait du goût : ses idées, confiées à des ouvriers d’un mérite supérieur, gagnèrent considérablement à une exécution irréprochable. On pouvait dire de sa maison qu’elle était le chef-d’œuvre de la carrosserie. La perfection des ressorts rendait tout cahot impossible ; ce n’étaient plus des ressorts, c’étaient des rubans. Le bruit n’arrivait à l’intérieur qu’amorti par des tapis épais comme un tertre normand ; il était absolument étouffé le soir par les volets qu’on appliquait contre les fenêtres, tant au-dedans qu’au dehors. Il n’y avait pas jusqu’aux vitres de ces fenêtres qui ne fussent doubles, à la mode russe. Des prodiges d’ébénisterie ; une table qui s’agrandissait à volonté ou qu’on pouvait réduire aux simples proportions d’un guéridon ; des glaces au biseau exorbitant, et placées de telle sorte qu’elles multipliaient l’étendue à l’infini en se la renvoyant mutuellement ; des peintures ; une bibliothèque où les reliures de Niédrée et de Duru recouvraient, comme d’un manteau somptueux, les œuvres de la pléiade grelottante ; des armes, en cas d’attaque ; des buissons de girandoles ; voilà ce qu’un premier coup d’œil embrassait dans le salon-miniature où M. Blanchard introduisit Philippe Beyle

Tout cela s’épanouissait, à la manière d’un bouquet, sous la vive lumière du jour, tombée d’en haut, et dont l’intensité, comme celle du bruit, pouvait être graduée facilement.

Deux bons chevaux dans Paris, quatre au dehors, mettaient en mouvement ce fourgon, dont rien à l’extérieur, comme nous l’avons dit, ne trahissait les merveilles, et qui passait aux yeux du public pour un coche forain, ou bien encore pour une voiture de la Compagnie du Gaz.

M. Blanchard ne faisait pas autre chose que de transporter dans notre civilisation les mœurs nomades des Arabes, avec cette différence qu’au lieu d’une tente conique et austère, la sienne était carrée et splendide.