Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/347

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— Vous taire ? répéta-t-il.

— Je l’ai promis, je l’ai juré.

— À qui ?

Elle ne répondit pas. Philippe, les yeux étincelants, reprit :

— Les personnes qui vous ont fait croire à votre liberté absolue ont attenté à mon pouvoir. Les fourbes qui ont asservi votre conscience ont oublié qu’elle était sous ma sauvegarde. Vous n’avez que deux maîtres : Dieu et moi.

— Philippe, je vous en conjure !

— Ces personnes, quelles sont-elles ?

— De grâce, écoutez-moi. Vous êtes mon maître, c’est vrai, un maître que j’adore et pour qui je donnerais ma vie avec joie, car je ne vis que par vous désormais. Pourquoi voulez-vous m’avilir en me forçant à trahir un serment que j’ai fait librement et que je garde sans remords ? De même que j’aime en vous la volonté, l’intelligence, aimez en moi la droiture et la dignité. Au lieu de vouloir m’abaisser à mes propres yeux, placez-moi haut dans votre estime, si haut que le soupçon et le doute ne puissent y atteindre. Je suis votre femme, ne me faites pas votre esclave.

Philippe sembla ébranlé.

— Vous me diriez de croire ce que vous voudriez, reprit-elle avec élan, je le croirais, moi. Mon amour est donc supérieur au vôtre !

— Amélie, dit Philippe après un moment de réflexion, je vais faire pour vous le plus grand sacrifice qu’un mari puisse faire à sa femme : celui de sa tranquillité. Gardez votre secret, puisque vous vous croyez si puissamment engagée par lui ; gardez-le, et qu’il ait la première place dans votre âme. Je ne m’y oppose plus. Mais ce secret n’est pas éternel, il ne peut pas l’être. J’admets que vous ne me révéliez pas aujourd’hui ; quand me le révélerez-vous ?

Elle avait entrevu une lueur d’espérance ; cette lueur s’évanouit aussitôt.

— Prenez le temps que vous voudrez, continua Philippe Beyle ; si long qu’il soit, j’attendrai sans murmure. Peut-on s’exécuter de meilleure grâce ? répondez, mon amie.