Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/408

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propre. Après cela, que j’aie mérité ou non d’être aimée de votre mari, c’est une question que vous ne pouvez guère décider, vous. Mais ce que je n’ai pas mérité, à coup sûr, c’est d’être traitée par lui avec dédain et lâcheté ; c’est d’être jouée comme un cheval et frappée comme une esclave. Fille du peuple ou fille du monde, il n’y a qu’une manière de ressentir de semblables outrages.

— Vous vous trompez, répliqua Amélie ; ce qui serait un crime vis-à-vis d’une femme légitime, n’est qu’une punition souvent exemplaire pour une femme placée en dehors de la loi et du respect. Soyez honnêtes, avant tout, si vous tenez à être traitées en femmes honnêtes. Pourquoi auriez-vous les mêmes privilèges que nous autres ? Vous n’êtes que des hochets aux mains des hommes, vous le savez, vous acceptez cette situation, et vous ne voulez pas qu’un jour ou l’autre on vous rejette comme des hochets, dût-on vous briser en vous rejetant ! L’orgueil ne rachète pas le malheur. Si Philippe vous a frappée dans un instant d’oubli, c’est qu’une colère supérieure à la sienne précipitait son bras. Vous auriez dû vous incliner ; mais non, vous avez voulu la lutte, la lutte obscure, vile, masquée ; la lutte avec la délation et la calomnie. Il n’est plus en votre pouvoir ni au mien d’en arrêter les effets maintenant ; nous roulerons ensemble dans le gouffre creusé par vous.

— Eh bien, tant mieux ! s’écria Marianna ; car je vous hais encore plus peut-être que je ne le hais, lui ! Je vous hais pour tout le bonheur que vous lui avez donné ! Je vous hais, pour votre beauté pure et calme, rivale de ma beauté inquiète et sombre ; pour votre enfance bénie, enveloppée de dentelles, couverte de baisers ; pour votre jeunesse fière et studieuse ; pour votre rang, pour votre nom, pour tous les avantages que vous a faits le hasard ! Je vous hais pour votre supériorité qui m’accable ! Je vous hais enfin, parce que je l’aime toujours !

— Ah ! s’écria Amélie en se redressant comme la statue de la Pudeur indignée.

— Comprenez-vous maintenant pourquoi ma haine a deux serres, et pourquoi je ne peux atteindre lui sans vous, vous sans lui ! Je l’aime, je l’aime plus que jamais !

— Madame !…