Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/56

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cette personne est en sûreté. À propos, Irénée, vous pouvez peut-être nous dire qui elle est ?

— Moi, madame ?… balbutia-t-il.

— N’avez-vous pas adressé la parole au jeune homme qui l’accompagnait ?

— En effet ; je m’informais à lui, je…

— Est-ce sa femme ou sa sœur ?

— Elle vous l’apprendra sans doute elle-même en vous faisant sa visite, dit Irénée avec effort.

— Quelle qu’elle soit, ajouta la marquise de Pressigny, n’est-ce pas qu’elle est belle ?

Il tressaillit, mais demeura muet.

— Rentrons, dit madame d’Ingrande.

Et, saisissant tout à coup sa fille entre ses bras, elle l’embrassa brusquement sur le front. À cette marque de tendresse, incompréhensible pour elle, Amélie leva sur sa mère ses grands yeux étonnés, pendant que la barque s’éloignait dans la direction de la Pointe du Sud. Il ne resta plus sur la plage qu’Irénée et M. Blanchard.

Irénée, dont le trouble avait fait place à une sombre rêverie, paraissait avoir oublié qu’il eût un compagnon. Il ne sortit de cet état que lorsque M. Blanchard, qui jusque-là s’était tenu dans la plus grande réserve, l’engagea amicalement à regagner l’Hôtel du Globe. Irénée le regarda alors avec fixité, et, cédant à une pensée soudaine :

— Voulez-vous, lui dit-il, que je vous présente demain à Mme d’Ingrande et à Mme de Pressigny ?

— Plus que jamais, répondit M. Blanchard ; mais qu’allez-vous me demander en échange de ce service ?

— Peu de chose.

— Encore…

— La grâce de me servir de témoin, d’ici à quelques jours probablement.

— Un duel ?

— Un duel, dit Irénée.

— Avec qui ?

— Est-ce que vous ne m’avez pas entendu tout à l’heure échanger des paroles avec un jeune homme ?