Page:Monselet - Les Aveux d’un pamphlétaire, 1854.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ma position équivalait assez à ce qu’on appelle en Italie un chef de condottieri, ou plus vulgairement en France un sergent recruteur. Je recrutais partout, et principalement dans les cafés, où je savais que les auteurs faméliques venaient tous les soirs se procurer, non pas la nourriture du corps, mais la nourriture de l’esprit, c’est-à-dire la discussion littéraire, la fréquentation intelligente, toutes choses indispensables à leur existence. Je n’avais pas de peine à persuader à ces pauvres diables de prendre parti pour mademoiselle Dangeville ou contre Lekain, surtout lorsque j’accompagnais mon discours de l’offre d’une collation. Une fois embauchés, ils taisaient merveille, car nul ne se passionne plus qu’un auteur pauvre.

J’eus de très-belles victoires comme chef de cabale ; je gagnai des parties souvent désespérées ; enfin, je devins peu à peu une puissance avec laquelle il fallut compter.

Ce n’était pas assez encore. Je sentais bouillonner en moi ce sang d’aventurier qui fait que l’on use plusieurs carrières. Excité par le milieu où je vivais, je saisis la plume et briguai à mon tour une place au bas du mont sacré. Je n’avais pas tout à