Page:Monselet - Les Aveux d’un pamphlétaire, 1854.djvu/41

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tour à tour au duc de La Trémouille, à Voltaire, à Crébillon fils, à tout le monde. Trois, quatre éditions furent enlevées en quelques mois ; Londres et la Hollande ne restèrent point en arrière et multiplièrent les contrefaçons.

De tous les hommes de lettres avec qui l’on a essayé de me mettre en parallèle, Crébillon fils est le dernier à qui l’on eût dû songer. Je n’ai rien, en effet, des qualités ni des défauts de celui qu’on a surnommé le Philosophe des femmes ; si je m’avoue inférieur à lui en ce qui touche l’analyse subtile des sentiments, je me considère comme son maître en fait de gaieté, de mouvement et de couleur. Crébillon ne décrit pas, il indique tout au plus ; il dit : ceci est un sopha, ou ceci est une écumoire, — jamais plus long. Ses ducs et ses chevaliers ne se reconnaissent qu’au langage ; mais quelles dissertations à perte de vue ! que de raisonnements tracassiers et inutiles sur la nuance indécise d’un imperceptible caprice d’amour ! Célie s’exprime comme la Bérénice de Racine, et il y a des moments où l’alcôve du Hasard du coin du feu s’efface tout à fait et où l’on croit voir, à la place, le solennel palais de la tragédie