Page:Monselet - Les Aveux d’un pamphlétaire, 1854.djvu/86

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En ce temps-là, j’étais persuadé qu’il y avait de la force d’âme à fuir le bonheur. Je jetai un dernier coup d’œil sur les grands arbres de l’avenue, sur le château briqueté, sur l’essaim des jeunes filles, et je partis rapidement.

Mais, après quelques pas, je sentis ma figure baignée de larmes.

Hélas ! oui, le bonheur était là. Là était le calme de l’esprit, la joie innocente, l’âge mûr bienveillant et entouré des sourires de la famille ; là était là vieillesse aimable et respectée. C’était la vie, telle que le ciel la fait pour les honnêtes gens. À ce moment de mon rêve, je me vis passer, moi, dans cette avenue que je venais d’abandonner, sur cette pelouse si fleurie, non pas triste célibataire, mais père de famille, appuyé sur le bras d’un de ces beaux anges de tout à l’heure, et portant mes quatre-vingts ans avec la sérénité que donne une conscience pure. J’avais glorieusement servi le roi ; jeune encore, je m’étais marié avec une femme à qui, depuis mon enfance, appartenaient mon cœur et ma pensée. Une couronne de cheveux blancs me donnait cet aspect auguste que l’on retrouve dans certains vieux portraits.