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CUBIÈRES.

si bourgeoises ; il aurait rougi sans doute, il se serait fâché peut-être si on l’eût appelé un poëte sans-culotte ; et moi, à qui les mots ne font pas peur, je me suis sans-culottisé de la meilleure grâce du monde. »

Je ne dirai pas toutefois que sa poésie fût en grand succès auprès des sans-culottes. D’ailleurs il avait le tort de leur en rebattre les oreilles : un festin patriotique ne pouvait avoir lieu sans être couronné au dessert par un dithyrambe de Cubières. L’applaudissait-on ? il ripostait par un impromptu. Almanach des Muses ou Commune de Paris, tout lui était bon pour épancher son inspiration de circonstance. Chaumette, qu’il poursuivait de ses odes et de ses épîtres, l’envoyait volontiers à tous les diables ; mais Cubières ne se déconcertait pas pour si peu. Un jour, il se présenta chez le procureur de la Commune, une liasse de papiers à la main : « Est-ce encore des chansons que tu m’apportes là ? — Non, citoyen. — À la bonne heure ! — C’est simplement un poëme, que je voudrais dédier à ta femme. — À ma femme ! s’écria Chaumette ; est-ce que tu la prends par hasard pour une femme de lettres ? Tiens, ses œuvres sont dans le tiroir de ma commode. » Ouvrant alors ce tiroir, il montra de vieux bas que sa femme ravaudait. Le tendre ami de la comtesse de Beauharnais dissimula assez mal une grimace de ci-devant ; il fut obligé de remporter son poëme, et il y a tout à gager qu’il se consola de cet échec comme M. Jovial, — un autre huissier qu’il devançait d’un demi-siècle, — en faisant un couplet là-desuss.

Il fut plusieurs fois envoyé au Temple lors de la détention de la famille royale. « Se trouvant un jour