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OLYMPE DE GOUGES.

curiosité et d’impatience ? Où vont ces pâles et tremblantes demoiselles qu’un hardi séducteur enlève en poste ? Où vont ces Arianes délaissées que le coche d’eau entraîne et qui regardent languissamment le rivage ? À Paris, parbleu ; à Paris, la ville où il fait si bon vivre et souffrir !

Quand Olympe arriva à Paris, le dix-huitième siècle jetait ses dernières flammes. Le joyeux cortège des grands seigneurs et des comédiennes, sentant venir la vieillesse et la politique, redoublait audacieusement de vices, de folies, de rouge et d’aventures. Temps adorable et pervers, temps unique, où le duc de Richelieu mettait son crachat au Mont-de-Piété pour acheter des fanfreluches à la Maupin ; où le vieux de Chalut envoyait à la Breba un balai de deux ou trois mille louis ; où M. de Villeroi se déguisait tous les matins en garçon limonadier pour porter le chocolat à la Dubois, de la Comédie française, que ses parents tenaient sévèrement ; où la Dorval, après être devenue la marquise d’Aubard, se retirait en carrosse drapé au couvent des Cordelières ; où la danseuse Martin, aussi belle que corrompue, se montrait avec le rochet d’un évêque pour peignoir ; où le comte de la Marche s’introduisait toutes les nuits chez la princesse de Chirnay par un soupirail de la rue des Rosiers ! Temps d’extravagance et d’amoureuse égalité, où les plus fastueux et les plus galants d’entre les pairs du royaume avaient pour rival un boucher, le boucher Colin !

Tout ce monde-là accueillit Olympe et lui fit fête ; on ne lui demanda pas d’où elle venait ni qui elle était ; ses seize ans répondaient à tout. Aussi du pre-