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OLYMPE DE GOUGES.

mandait ; puis, l’attirant à l’écart, il lui manda que si elle n’était pas une femme, il lui apprendrait comment on répond à une lettre aussi impertinente que la sienne. « À ces mots, écrit madame de Gouges, il ne m’aurait fallu qu’une épée, et j’aurais été bientôt une autre chevalier d’Éon ! Le sang me bouillait dans les veines, mais je sus me respecter. »

On devine quel fut le résultat de la lecture de Molière chez Ninon. Il y avait surtout une maudite porte qui ne pouvait jamais se tenir close ; chacun à son tour se levait pour essayer de la fermer ; ce fut au bruit de cette porte que la pauvre femme, la rage dans le cœur, lut ses cinq actes, après lesquels les trois quarts et demi du comité dormaient d’un paisible sommeil. Il fallut deux hommes pour réveiller le gros Desessarts ; ensuite les bulletins furent rédigés et lus à haute voix par le souffleur, ainsi que cela se pratiquait alors. Le premier était conçu de la sorte : « J’aime trop l’auteur pour l’exposer à une chute ; je refuse. » Le second, plus explicite, s’exprimait ainsi : « Rien ne m’intéresse dans cette pièce que le cinquième acte, et si l’auteur voulait m’en croire, il le ferait jouer seul ; mais comme je présume qu’il n’en voudra rien faire, je refuse. » Le troisième bulletin sentait tout à fait son Dugazon : « J’aime les jolies femmes, je les aime encore plus quand elles sont galantes, mais je n’aime à les voir que chez elles et non pas sur le théâtre ; je refuse cette pièce. » Olympe de Gouges ne fut pas curieuse d’entendre le reste, elle salua et se retira, en prononçant le serment de renoncer pour toujours à l’art dramatique.

Dès qu’il lui fut prouvé que la Comédie française