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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

tieux écrivain dont nous allons dire l’histoire. Ses refrains errent de temps en temps sur les lèvres des octogénaires, et lorsque l’on feuillette le théâtre de la Révolution, on y retrouve son nom inscrit à chaque page.

Le Cousin Jacques a été au-devant des biographes en produisant son signalement : « Louis-Abel Beffroy de Reigny, dit le Cousin Jacques, écuyer, né à Laon le 6 novembre 1757 ; du Musée de Paris, des académies d’Arras et de Bretagne, etc., portant cheveux blonds, taille de cinq pieds six pouces, ayant la joue et l’œil gauche endommagés par le feu, et demeurant à Paris, rue des Vieux-Augustins, hôtel de Beauvais, no 264. »

C’est clair, je crois.

Il vint au monde alors que son père avait déjà passé la soixantaine. On lui donna le nom de de Reigny, pour le distinguer de Beffroy de Reauvoir et de Beffroy de Jisomprez, ses deux frères[1]. Sa famille occupait un rang aisé dans la province et jouissait de l’estime générale ; mais il eut peu l’occasion de la connaître, car il fut envoyé très-jeune à Paris pour y faire ses études ; et, sur ces entrefaites, son père étant mort, sa mère se retira au couvent.

Tout devait être singulier dans le Cousin Jacques. À peine âgé de douze mois, sa nourrice l’avait laissé choir dans le feu : on le ramassa, le visage à moitié rôti ; de là cette cicatrice qui lui donna un aspect bizarre, en harmonie avec le caractère de ses productions. Ce n’était pas qu’il fût laid : un front développé, une coupe de figure longue et élégante, le

  1. Ces noms leur venaient des fiefs appartenant à leur père.