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LE COUSIN JACQUES.

nez bien fait, tout cela plaidait en faveur d’une physionomie intéressante et douce.

On le plaça au collège Louis-le-Grand, où il eut pour condisciples Camille Desmoulins, Jehanne et Robespierre l’aîné. « Je ne crois pas, dit-il, qu’il y ait beaucoup de Français qui aient étudié Robespierre avec autant d’attention que moi ; nous fûmes camarades d’études, et rivaux pour les premières places en rhétorique. La hasard voulut même que je l’emportasse sur lui, ce qu’il ne me pardonna jamais. » Ceci est un accès gratuit de vanité, mais nous en rencontrerons bien d’autres chez le Cousin Jacques.

À dix-sept ans, le jeune Beffroy, qui venait régulièrement passer ses vacances dans le Laonnais, était déjà éperdument amoureux. L’objet de cette première inclination était une petite brune, demi-bourgeoise, demi-villageoise, coquette, et plus spirituelle qu’il ne convient aux demoiselles de son âge. Il avait risqué une déclaration, que l’on avait accueillie sans trop de courroux ; aussi, quand il fallut retourner à Paris, son désespoir ne connut point de bornes. Mais que faire ? Il dut partir. Seul, au mois d’octobre, à cinq heures du matin, marchant pensivement au milieu des ombres du crépuscule, sur une grande route, dans la forêt de Villers-Cotterets, Beffroy pressait de temps à autre contre son gousset l’argent qu’on lui avait donné pour prendre la diligence et qu’il réservait pour envoyer à sa brune un cadeau de Paris. Néanmoins son courage s’émoussait au souvenir des heures de tendresse, et vingt fois il se vit sur le point de faire volte-face pour reprendre le chemin de Laon. Ce fut un grenadier au régiment de Navarre qui lui épargna cette première folie : depuis