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LE COUSIN JACQUES.

ne détourne, — pas même la misère, pas même l’amour.

Une aventure qui lui arriva témoigne de son esprit inventif et un peu mystificateur.

Les Beffroy se divisaient en deux branches, qui toutes deux comptaient des alliances honorables, même illustres. Par malheur, un des Beffroy de Picardie, aïeul de notre auteur, avait dérogé ; et depuis ce temps l’autre branche s’était mise en tête de défendre à ses descendants de porter le nom de Beffroy. Le Cousin Jacques, bien que dépourvu de toute morgue nobiliaire, ne fut pas fâché cependant de se procurer la preuve matérielle et légale de sa parenté avec les grands Beffroy. Pour cela, il usa de stratagème ; il fit insérer dans les Petites-Affiches « qu’un Beffroy, de la branche de Picardie, ayant été dans sa jeunesse s’établir à Venise, venait d’y décéder sans enfants et qu’il avait laissé 800,000 livres réversibles à sa famille ; qu’en conséquence, tous les Beffroy de cette famille étaient invités à venir communiquer leurs titres et leur filiation à M. un tel, notaire à Paris, etc. »

La ruse eut son plein effet : quatre jours après, un grand Beffroy accourut chez le notaire ; on lui contesta la parenté, mais il prouva, par sa généalogie bien en règle, qu’il était tout à fait de la même souche que les petits Beffroy, ce qu’il eût été marri de reconnaître auparavant. Quand le notaire eut fait prendre une copie certifiée et légalisée de ces titres, il dit au gentilhomme : « Monsieur, je suis extrêmement fâché de vos peines, mais je dois vous dire que la succession est un roman, qu’elle n’existe que dans le journal, et que ce moyen n’a été ima-