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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

c’était bien cela ; la phrase n’était conservée que d’après l’avis de la majorité. Bailly, La Fayette et de Lasalle approuvèrent ce Précis, qui fut tiré à cinquante-six mille exemplaires et vendu au profit des familles des assiégeants blessés ou morts.

Cette aventure valut au Cousin Jacques le brevet de secrétaire de la compagnie des Volontaires de la Bastille, avec le petit ruban tricolore portant une bastille renversée. On lui apporta en triomphe deux énormes boulets et une vieille cuirasse pesant trente-deux livres ; il mit tout cela dans sa cave, s’imaginant être enfin débarrassé de ces honneurs pleins de turbulence. Quel fut son désappointement ! Le poste élevé qu’il devait au hasard amena chez lui plus de dix-sept cents vainqueurs de la Bastille, qui prétendaient tous l’avoir prise ; la chose en arriva même au point qu’il fallut, pendant un temps, un certificat signé du Cousin Jacques pour avoir droit aux priviléges ou émoluments accordés par la ville. Depuis huit heures du matin jusqu’à dix heures du soir, son cabinet ne désemplissait pas. « Je fus à même, écrit-il, de connaître de grands monstres ; je n’ai point eu personnellement à m’en plaindre. Mes manières honnêtes et la patience avec laquelle j’écoutais les uns et les autres m’ont sans doute attiré la bienveillance de tout le monde. Je les laissais parler à tort et à travers ; puis je comparais sans rien dire, je rapprochais en silence tous ces rapports incohérents, et la vérité jaillissait de ce choc d’idées et de faits absolument disparates. »

Le Cousin Jacques, qui n’avait retiré aucun bénéfice de son Précis de la prise de la Bastille, résolut d’utiliser tous ses renseignements ; il en composa pour