Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
169
LE COUSIN JACQUES.

son compte un ouvrage intitulé : Histoire de France pendant trois mois ; mais le moment de l’actualité était perdu. Il fut obligé de revenir et de s’en tenir à ses Lunes, qui, elles-mêmes, commençaient à être obscurcies par les brouillards politiques…

Les derniers numéros de cette publication, si gaie à sa naissance, sont attristés fréquemment par des confidences douloureuses sur la situation de l’auteur, sur ses malheurs pécuniaires et sur la difficulté des temps : « Les banqueroutes de plusieurs libraires me réduisent enfin à gémir dans une position voisine de l’indigence. Je suis forcé de quitter mon logement, et il se trouve aujourd’hui qu’ayant travaillé onze heures par jour et une partie des nuits, me refusant jusqu’à la plus légère distraction, faisant honneur à mes engagements, je n’ai rien avancé de mes affaires et je suis retombé dans l’état où je végétais autrefois, et d’où j’avais eu tant de mal à me tirer ! On peut donc, avec quelque talent, avec une activité sans égale, avec une conduite irréprochable, avec une réputation et des succès, ne retirer aucun produit de ses veilles ? » Hélas ! oui, mon pauvre Cousin Jacques ; fallait-il une révolution pour vous en faire apercevoir !

Cette fois, il ne badine plus avec ses abonnés, il ne chante plus et ne danse plus en rond avec eux, mais il presse ses rentrées, car il est devenu lui-même son propre éditeur et son propre libraire, depuis qu’éditeurs et libraires se sont réunis pour le voler. Il est allé se loger obscurément rue Phélypeaux, en face de la Vierge, l’escalier au fond de la cour, et là il s’est mis à joindre sans plus de façon à sa littérature un petit commerce d’écrivain public, se chargeant,