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LE CHEVALIER DE LA MORLIÈRE.

VI

MES ŒUVRES DRAMATIQUES

La comédie dans le roman est-elle donc plus aisée que la comédie au théâtre ? Je dois le croire, puisque j’ai si peu réussi dans mes tentatives dramatiques. Sur deux pièces, la Créole et l’Amant déguisé, que je parvins à imposer au Théâtre-Français, la première ne tut jouée qu’une seule fois ; encore n’arriva-t-elle pas au dénouement, à cause d’un incident assez saugrenu, que les Ana auront sans doute porté à votre connaissance. Un valet raconte à son maître les détails d’une fête et lui demande : « Qu’en pensez-vous ? — Je pense que tout cela ne vaut pas le diable !  » répond l’autre. Le public prit la phrase au bond et la renvoya aux comédiens ; la Créole ne s’en releva pas.

Le Théâtre-Italien, où je tentai d’aborder, ne me fut guère plus favorable. Il était écrit que, m’étant servi de la cabale, je devais périr par la cabale. Le Gouverneur, comédie en trois actes, dans laquelle je tournais de nouveau en ridicule les petits-maîtres et leurs façons de dire, le Gouverneur tomba lourdement, malgré un mérite réel de dialogue. Les procédés qui m’avaient si bien servi dans Angola ne furent d’aucun effet à la scène.

Certains hommes ne réussissent qu’une fois. Je vis que j’étais de ceux-là.

Après tout, les calculs de mes ennemis étaient absurdes : un succès de théâtre m’eût rendu l’homme le plus doux et le plus bienveillant du monde ; la