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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

ne décrit pas, il indique tout au plus ; il dit : ceci est un sopha, ou ceci est une écumoire, — jamais plus long. Ses ducs et ses chevaliers ne se reconnaissent qu’au langage ; mais quelles dissertations à perte de vue ! que de raisonnements tracassiers et inutiles sur la nuance indécise d’un imperceptible caprice d’amour ! Célie s’exprime comme la Bérénice de Racine, et il y a des moments où l’alcôve du Hasard du coin du feu s’efface tout à fait et où l’on croit voir, à la place, le solennel palais de la tragédie française. Moi, je touche davantage à la terre, c’est-à-dire au tapis de la chambre à coucher ; je suis plus amusant aussi, je ris de tout mon cœur là où Crébillon fils ne fait que sourire ; je vais droit au but, et j’ai déjà pris vingt baisers sur le cou de Cydalise pendant qu’il en est encore à parlementer à travers le trou de la serrure.

Angola, plus que Tanzaï et Néardané, plus que les Égarements du cœur et de l’esprit, plus enfin que l’œuvre entière du plus jolyot des deux Crébillon, résume le dix-huitième siècle et le fait toucher du doigt. C’est un tableau de Paris aussi fidèle que celui de Mercier. La comédie que j’ai poursuivie pendant toute mon existence, avec tant de courage et de rage, je ne l’ai atteinte que dans Angola. Tout à l’heure, j’ai dit que c’était presque aussi beau que les Précieuses. Je le soutiens avec fierté.

Entre Molière et La Morlière, il n’y a que quelques lettres de différence.