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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

en dirigeant son regard vers un espace semé de bruyères, il a distingué l’entrée d’un souterrain, — Gorjy se servait déjà des souterrains ; — c’est là qu’un noble se cache, un aristocrate. Dès lors toute la poésie du feuillage est effacée, et les mots de Révolution, de despotisme, de liberté, viennent obscurcir pour un instant les tablettes du bon Pamphile.

Parmi les traits saillants de ce recueil, je m’en voudrais d’oublier une fine et joyeuse raillerie de la garde nationale d’alors ; Gorjy, en l’écrivant, s’éloignait de la sentimentalité, mais le lecteur n’y perdait rien. Il s’agit d’une sorte de magot nommé M. de Bosstacq, boiteux, tortu, turbulent, qui a toujours eu un goût effréné pour les armes. Sa tournure fait le tourment de sa vie, car elle ne lui a pas permis d’embrasser l’état militaire. Voici en quels termes Gorjy raconte les souffrances et les joies de cet original : « À l’époque où la nation crut devoir s’organiser en milice, M. de Bosstacq avait été le premier sur pied. Il serait difficile de peindre avec quelle activité, dans ce premier instant de terreur universelle, il courait de rue en rue, de maison en maison, tantôt se pendant aux cloches qui rassemblaient les nouveaux soldats, tantôt débitant des fragments de harangues grecques ou romaines ; ici, dans la chaire d’une église ; là, sur les bornes d’un carrefour ; ailleurs, grimpé dans une charrette ; encourageant les uns, complimentant les autres ; en un mot, se donnant à lui seul plus de mouvement que tout son faubourg, et se fatiguant d’autant plus qu’il avait l’épaule chargée d’une vieille arquebuse, et qu’il traînait à son côté une de ces anciennes épées d’arsenal,