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GORJY.

ira en levant son verre, et il ne s’aperçoit pas que son toit est livré aux flammes, tandis que, sous ses pieds, des malfaiteurs armés de pioches sont occupés à saper le plancher. — Une autre gravure, qui fait la moralité et la conclusion du livre, c’est un pauvre commissionnaire à la figure hâve, aux vêtements en lambeaux, qui marche péniblement au milieu d’un amas de ruines solitaires, parmi les maisons écroulées et les palais abattus ; il porte sur ses crochets, au bout d’un long bâton, un bonnet phrygien, — qui plane, emblème railleur et victorieux, sur la désolation générale.

La publication d’Ann’quin Bredouille commença en 1791 ; le premier volume parut sans signature, mais le deuxième et les suivants portèrent cette désignation, équivalant à un nom propre : « Par l’auteur de Blançay. » Cette œuvre, légère en apparence, obscure en quelques parties, écrite parfois d’une manière un peu flottante, mais à travers laquelle circule comme un souffle d’Hudibras, cette œuvre satirique a une importance réelle, curieuse et morale. C’est le commentaire honnête et sévère de la Révolution, de ses actes absurdes ou atroces, de ses grands hommes avortés ou contrefaits. Les enseignements généraux n’y manquent pas ; plusieurs semblent avoir été improvisés sous l’empire des circonstances actuelles, et notre génération aurait encore tout profit à cette lecture, tant il est vrai que la raison est de tous les temps, même la raison politique.

’Ann’quin Bredouille est un type allusif comme le John Bull des Anglais, ou comme notre Jacques Bonhomme à nous. C’est un excellent homme qui n’a que le tort de ne pas avoir un caractère assez