Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
286
OUBLIÉS ET LES DÉDAIGNÉS.

arrêté, ce qui l’expose à faire beaucoup de sottises eu peu de temps. i’Ann’quin Bredouille a pour compagnons un petit flagorneur nommé Adule, et une vieille femme d’humeur difficile mais sensée, — madame Jer’nifle, — qui gronde, rechigne et gourmande incessamment. « Quel dommage, s’écrie l’auteur, qu’Adule n’ait pas la modération, le bon sens, la droiture de madame Jer’nifle, et que madame Jer’nifle n’ait pas la prestesse, la gentillesse, la persuasion d’Adulé ! Que de maux il y aurait de moins sur notre globe ! »

À l’heure où commence le roman, i’Ann’quin Bredouille est sur le point de quitter son village. Adule le circonvient et l’excite par ces paroles : « Comment toi, mon cher Bredouille, comment peux-tu, avec les moyens que le ciel t’a départis, te restreindre à une sphère d’activité aussi étroite ? Excepté cinq ou six voisins qui viennent veiller chez toi, deux ou trois vieillards dont tu écoutes les radotages, quelques malades que tu soignes, une poignée d’enfants à qui tu distribues des pains d’épices, il n’est pas plus question de toi dans le monde que si tu n’y étais pas. La gloire, mon cher Bredouille, la gloire ! la gloire !!! »

’Ann’quin, tout émoustillé, se lève, mais il se sent retenu par la manche ; c’est madame Jer’nifle qui lui dit : — « Étourdi, que vas-tu faire ? sacrifier un bonheur certain à une gloire plus qu’incertaine. Et quand elle serait sûre, quelle gloire vaudra jamais ces jouissances douces et simples que tu goûtes dans ta retraite ? Ce peu de voisins que tu accueilles, que tu soulages, tu en es aimé. Être aimé ! que faut-il de plus sur la terre ? »

Voilà notre i’Ann’quin Bredouille bien embarrassé,