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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

perruque magistrale près d’un catogan de faraud, le rond léché d’un lévite poupin et les cheveux plats d’un Bazile. Ici, d’intrépides amazones, persuadées qu’il n’y avait point de danger, étaient venues partager les travaux de la campagne. Là, au contraire, des femmes éplorées, tremblantes pour les jours de leurs époux, leur apportaient des parapluies et des pantoufles, et se précipitaient au-devant d’eux pour les conjurer de revenir au logis ; mais eux, fanfarons et se redressant, ne leur répondaient que par ce couplet :

Qu’il pleuve, qu’il grêle, qu’il tonne,
Plus rien ne nous étonne.
Eh ! que ne braverions-nous pas
Pour être vêtus en soldats ?

« Il y avait aussi des nuées de petites-maîtresses amenées, — je vous le donne à deviner en mille, — par l’espérance que, d’un événement si extraordinaire, il allait éclore des modes nouvelles, que chacune aspirait à la gloire de porter la première. Je ne parle pas de ces espèces de bacchantes aux coiffes de travers, aux yeux furibonds, aux joues couvertes d’un rouge de cabaret, qui parcouraient les rangs du peuple en proférant des blasphèmes et des malédictions. Quant aux armes, promenez vos idées depuis le canon jusqu’à l’épingle, vous ne trouverez rien qui ne fût là. L’un avait une pertuisane, l’autre une vieille carabine à rouet ; un autre portait le tût d’un fusil dont son voisin avait le canon, et dont la batterie était dans les mains d’un troisième, à dix pas de là ; on voyait aussi des broches, des fourches, des lames de scie, des tranchets et des rouillardes. Ce n’était pas qu’au milieu de cette bigarrure il n’y