Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
310
OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

1734, à Paris ou ailleurs, cela ne l’inquiétait guère. C’était un poëte à la façon de Dufresny, dissipateur et bon vivant, un panier percé, selon l’expression des commères. La vérité est qu’il y a beaucoup de rapport entre Dufresny et Dorvigny ; d’abord, même nombre de lettres dans le nom, avec même consonnance ; — ensuite Dufresny avait du sang d’Henri IV dans les veines, et la tradition veut que Louis XV soit le père de Dorvigny ; enfin, Dufresny et Dorvigny sont morts tous deux au même âge et de la même maladie : la pauvreté.

Dorvigny commença par être acteur chez Nicolet : je n’ai jamais rencontré personne qui pût me dire quelle sorte d’acteur cela faisait, car il est impossible d’admettre comme une autorité le pamphlet immonde de Mayeur : le Chroniqueur désœuvré ou l’Espion du boulevard du Temple (1782). Voici comment Dorvigny y est traité : « Je ne vous dirai pas que Dorvigny soit le plus grand fripon, il n’en a pas l’esprit, car il faut encore une certaine adresse au boulevard, pour tromper les marchands qui croient être tous sur leurs gardes ; Bordier, Ribié et Paul, sont actuellement les seuls capables de donner des préceptes sur ce talent si recherché. Dorvigny se borne à boire et boit beaucoup ; sale, dégoûtant même, il n’est pas une seule pièce où, comme acteur, il n’ait forcé le public de reconnaître une espèce de charretier. Nicolet vient d’en faire l’acquisition, comme comédien et comme auteur destiné à orner son théâtre de charmantes productions. »

Dorvigny jouait alors avec Volange, Beaulieu et Bordier, trio illustre, dont le souvenir n’est pas encore effacé, et qui ont attaché leurs noms au joyeux