Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
325
DORVIGNY.

reusement rien d’étonnant. Le passage suivant des Souvenirs de J.-N. Barba (Paris, 1840) donne une autre version : « Dorvigny est mort dans une petite rue des Vertus, près l’ancien marché Saint-Martin ; la bienfaisance publique l’a fait enterrer. Ribié, directeur de la Gaieté, apprend sa mort, envoie de suite mon ami Gougibus aîné, le meilleur mime que j’aie vu, beau-père du digne Leménil, acteur du Palais-Royal, qui dit à Ribié que le malheureux Dorvigny a resté quatre jours dans son taudis après avoir rendu l’âme, sans être enterré. — Je n’étais pas riche, dit-il, j’avais six enfants ; malgré cela, je me reproche ma conduite envers ce digne et excellent homme. Tous ces détails sont connus de la fille à Dabin qui vend des livres au bout du pont des Arts, vis-à-vis le Louvre. »

Ne faisons pas attention au style, qui est bien bizarre. Mais il me semble qu’on ne saurait hésiter entre la version de M. Lepeintre et celle du libraire Barba, marquée au coin de la certitude et accompagnée de tant d’indications et de témoins à l’appui.

Dorvigny avait soixante-dix-huit ans à l’heure de sa mort.

Soixante-dix-huit ans ! C’est encore un bel âge pour un homme de désordre et d’ivresse, pour un gueux aux vêtements sordides, tel qu’il fut. Soixante dix-huit ans ! malgré la vie des halles et le mauvais vin des bouchons, en dépit des soirées sans feu et des matinées sans pain ! En littérature, n’atteint pas qui veut à cet âge vénérable.

Personne ne parla de lui.

L’année suivante, il se trouva pourtant un homme qui vint répandre quelques vers sur sa tombe, aussi