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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

victime. Il voulut prendre avec moi un air de protection ; mais, un peu remise du trouble que j’avais éprouvé en voyant mon nom obligé de passer successivement par les oreilles et par la bouche des sentinelles, d’un secrétaire et d’un valet de chambre, pour parvenir dans le salon d’audience de sa nouvelle majesté, je repris à mon tour toute ma dignité et je lui fis sentir que j’étais toujours son égale. Il m’entraîna dans son arrière-cabinet, et dès que nous fûmes seuls, oubliant un moment sa grandeur, il me prit la main, daigna la porter à ses lèvres et me balbutia quelques compliments. « Arrêtez, lui dis-je, la scène est bien changée ; vous êtes aujourd’hui un petit souverain, je ne suis qu’une citoyenne obscure ; ce ne sont point des doux propos que maintenant j’attends de vous, mais je rappelle à votre honneur, à votre délicatesse, que c’est à l’amitié à payer les dettes de l’amour. »

« Eh bien, le croiras-tu ? Q……te accueillit toutes mes propositions ; il s’informa avec l’intérêt le plus tendre de ma santé ; il m’inonda d’eau bénite de cour, et je sortis de son palais ivre de satisfaction. Cependant, plusieurs jours s’écoulèrent, je n’entendis plus parler de lui. Je me rappelai à son souvenir. De nouveaux rendez-vous me furent donnés ; souvent je m’y présentais avec humeur, même avec des nuances de dépit ; mais sitôt que je l’apercevais, sa main n’avait pas plus tôt touché la mienne, que je ne pouvais plus lui en vouloir. Ô ma bonne ! je fus complètement sa dupe ; il me leurra de promesses pendant quelques mois, et il finit par être éconduit du ministère sans avoir rien fait pour moi,