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PLANCHER-VALCOUR.

Pierre Plancher n’avait d’yeux et d’oreilles que pour la Madeleine ; aussi ne se pressa-t-il pas d’abandonner l’auberge de la Croix-Blanche. Plusieurs jours s’écoulèrent pendant lesquels il ne quitta pas d’une seconde les saints et les saintes, ses nouveaux camarades. Au bout d’une semaine, l’aubergiste, justement inquiet, monta chez lui avec un mémoire s’élevant à plus de cinquante livres. Plancher, dont les dix-huit francs n’avaient pas multiplié depuis sa fuite des ignorantins, se vit tout penaud, — et déjà l’aubergiste menaçait de lui faire un méchant parti, lorsque les comédiens ambulants accoururent à son secours. Ils s’offrirent à payer la dépense du petit Normand, à la condition que celui-ci entrerait immédiatement dans leur troupe, où il ferait les Anges dans les mystères et l’Amour dans les pastorales.

Ce fut ainsi que se décida la vocation de Philippe-Alexandre-Louis-Pierre Plancher, né à Caen, — d’autres disent à Mortagne, — d’autres à Saint-Pierre-sur-Dives, — vers 1751. À peine eut-il monté sur les planches, qu’il troqua son nom de famille contre le pseudonyme plus coquet de Valcour. Les théâtres étaient alors inondés de Belval, de Saint-Phar, de Florbelle, de Rosanville, de Dorfeuille ; tous ces noms, plus doux à prononcer que ceux des bergers d’églogues, faisaient ressembler les affiches de spectacle à des rayons de miel, — on se délectait rien qu’en les lisant. Plancher-Valcour s’accommoda assez bien, dans les commencements, de cette vie hasardeuse et plaisante, qui avait pour lui les allures d’un perpétuel mardi-gras. Il était jeune, bien tourné ; il avait la gaieté dans le cœur et dans les yeux ; il ne rencontra partout que des Madeleines.